vendredi 5 octobre 2007

Qu'est-ce qu'une recension?

Bref rappel à l'attention des contributeurs (et des lecteurs) de La Revue internationale des livres et des idées

Trop de critiques, comptes rendus ou recensions, publiés ici ou là, ne respectant pas ces réquisits, nous nous permettons ce bref rappel – dont le contenu devrait néanmoins aller de soi pour beaucoup.

Une recension est, bien sûr, d’abord un compte-rendu ; elle vise à donner une idée précise du contenu de l’ouvrage recensé : son objet, le problème qui constitue son point de départ, ses questions, ses thèses et conclusions principales, sa terminologie et le réseau des concepts qu’il déploie, sa méthode, la nature et la structure de son argumentation, son organisation et sa table des matières, son apparat critique (notes, bibliographie, index), ses sources primaires et secondaires, ainsi que, s’il y a lieu, son style et les procédés rhétoriques qu’il met en oeuvre.

Elle cherche de plus à situer l’ouvrage par rapport aux travaux précédents de son auteur et à la littérature existante sur le même sujet ; autrement dit, elle s’efforce d’en mesurer l’originalité et de jauger l’importance de sa contribution au champ de recherche dans lequel il intervient – ce qui suppose bien entendu une bonne connaissance de ces travaux, de cette littérature et de ce champ.

Une recension a une dimension critique et doit proposer une évaluation de l’ouvrage considéré, de la rigueur, de la force et du poids de son argumentation, ainsi que de son originalité. Une recension apporte ainsi des éléments de réponse aux questions suivantes : Dans quelle mesure l’ouvrage innove-t-il par le choix de son objet, par la façon de l’aborder, par sa démarche ou par ses conclusions ? Quels sont ses points forts et, le cas échéant, ses points aveugles ? Contribue-t-il à déplacer et transformer les problématiques établies sur le sujet ? Si l’ouvrage qui fait l’objet d’une recension est une traduction, sa traduction devra aussi faire, dans la mesure du possible, l’objet d’une évaluation.

Une recension devrait de plus, quand la chose est appropriée, cerner le cadre épistémologique, la signification politique et les effets idéologiques possibles de l’ouvrage considéré, et donc répondre aux questions suivantes : L’ouvrage s’inscrit-il dans un cadre disciplinaire défini ou vient-il au contraire troubler le découpage institutionnel des savoirs ? Se soutient-il du projet de « faire science » ou vient-il perturber le partage entre « science » et « non-science » ? Vient-il mettre en question la monopolisation des lieux de production des savoirs légitime ? En d’autres termes, par quelle politique des savoirs est-il sous-tendu ? Ou encore : Quelles dispositions, quelles pensées et quels affects vise-t-il à produire ou est-il susceptible d’éveiller chez ses lecteurs ? Quels pourraient être son sens et ses effets dans le contexte idéologique et politique présent ? Dans le même esprit, les enjeux théoriques, culturels et politiques de la traduction d’un ouvrage méritent, le cas échéant, examen.

Bien entendu, certains ouvrages se prêtent plus que d’autres à ce type de questionnement, et tous les ouvrages ne sont pas susceptibles de ce genre de lecture. Il n’est pas question de plaquer sur un ouvrage de telles interrogations. Et, dans le cas où il serait judicieux d’aborder un ouvrage sous ce jour, il convient de le faire avec une conscience aigue du caractère problématique de ces questions.

Une recension n’est pas un billet d’humeur ou une réclame. Elle ne vise pas à « encenser » et encore moins à « démolir » un auteur ou un livre. Elle présuppose et doit montrer que l’ouvrage a de l’intérêt, ne serait-ce, minimalement, que comme symptôme de l’époque. Une recension n’est pas non plus un simple prétexte pour son auteur à faire étalage de ses vues personnelles. Néanmoins, une recension est, dans le meilleur des cas, un essai et une intervention, elle suppose l’engagement de son auteur, l’affirmation d’un point de vue informé et réfléchi sur l’ouvrage et sa matière.

Enfin, l’auteur d’une recension doit absolument tenir compte du fait que La Revue internationales des livres et des idées n’est pas une revue spécialisée, qu’elle est une revue transdisciplinaire, et qu’il s’agit pour elle de favoriser la démocratisation et la circulation des savoirs entre les disciplines, dans l’espace social et à travers les frontières nationales et linguistiques. Si le recours à un vocabulaire technique ou à des cadres conceptuels et théoriques spécifiques est nécessaire, il doit être accompagné d’un travail de traduction et d’explicitation qui permette à des lecteurs néophytes, qui ne sont pas spécialistes du domaine de recherche en question, de lire et de comprendre sans trop de difficulté la recension. Ce point est fondamental.

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Merci aussi de bien vouloir consulter et respecter les règles du code typographique en usage à La Revue internationale des livres et des idées.